Guy DEBORD

 


Autour de la pensée toujours terriblement actuelle
de Guy Debord 

Quelques éléments biographique sur cet écrivain et cinéaste français né en 1931 et décédé en 1994.

Après avoir passé son baccalauréat en 1951 à Cannes, Guy Debords'intéresse au "lettrisme", qu'il considère comme le seul mouvement d'avant-garde subversif de l'Après-Guerre, héritier du dadaïsme. Mais il rompt rapidement avec les "lettristes", en 1952, et fonde une "Internationale lettriste"(qui, par provocation, n'avait rien du lettrisme), dont le but est de rompre avec un art en décomposition pour que la poésie puisse investir la vie, à travers des situations vécues. De 1954 à 1957, son Bulletin d'information "Potlatch"expose l'essentiel des idées que l'on trouvera quelques années plus tard chez les situationnistes.

Avec le peintre danois Asger Jorn, Guy Debord est à l'origine, en 1958, de la création de l'Internationale Situationniste  dont il est le principal animateur. Au début, composé principalement d'artistes, ce mouvement cherche un dépassement de l'art pour qu'il redevienne une communication, avec la participation de tous, et qu'il intègre le poétique dans la vie quotidienne transformée en jeu.

En 1967, Guy Debord publie son principal ouvrage, la "Société du spectacle"(1967) dans lequel il montre comment le consumérisme est le signe du début de la marchandisation des valeurs et que la société ne peut plus être décrite que comme une représentation.

Après le succès des idées du situationnisme pendant les évènements de mai 1968, qui lui donnent ses lettres de noblesse, Guy Debord préfère dissoudre l'Internationale Situationniste en 1972, pour ne pas en perdre le contrôle et parce qu'elle a "fait son temps".

Homme de conviction et intransigeant, Guy Debord a écrit peu d'ouvrages, dans un style presque classique, mais parfois abscons. En 1984, il interdit la diffusion de l'ensemble de son oeuvre cinématographique.

Atteint d'une grave maladie de foie due à l'alcool, Guy Debord se suicide le 30 novembre 1994.

 

Quelques ouvrages :

- La Société du spectacle (1967),

- Oeuvres cinématographiques complètes (1978),

- Commentaires sur la société du spectacle (1988),

- Panégyrique (1992).

Quelques films :

- Hurlements en faveur de Sade (1952),

- Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps (1959),

- Critique de la séparation (1961),

- La société du spectacle (1973),

- In girum imus nocte et consumimur igni (1978).

 (Source www.toupie.org)

Sur le passage des quelques personnes à travers une assez courte unité de temps.

Film expérimental réalisé par Guy Debord, sorti en 1958. 

Quelques extraits choisis : 

"Quand elle s'exerce dans un circuit fermé, la liberté se dégrade en rêve, et devient simple représentation d'elle-même." 

 

 

" Les autres suivaient sans y penser les chemins appris une fois pour toutes, vers leur travail et leur maison, vers leur avenir prévisible. Pour eux déjà le devoir était devenu habitude et l'habitude un devoir. Ils ne voyaient pas l'insuffisance de leur ville, ils croyaient naturelle l'insuffisance de leur vie." 

 

"Nous voulions sortir de ce conditionnement à la recherche d'un autre emploi du paysage urbain, de passions nouvelles." 

 

"Le milieu urbain proclamait les ordres et les goûts de la société dominante avec une violence égale à celle des journaux."

 

"L'apparition d'évènements que nous n'avons pas faits, que d'autres on faits contre nous, nous oblige à mesurer désormais le passage du temps, ses résultats, la transformation de nos propres désirs en évènements."

 

 

"Ce qui différencie le passé du présent est précisément son objectivité hors d'atteinte. Il n'y a plus de devoir être. L'être est à ce point consommé qu'il a perdu l'existence."


Les archives de Guy Debord à la BNF
Les archives de Guy Debord, père du situationnisme et auteur de La société du spectacle (1967), ont rejoint les collections du département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France.

En février 2010, le ministère de la Culture avait fait publier un «avis d'appel au mécénat d'entreprise portant sur 1.080.000 euros» pour que la BNF puisse acquérir ces archives, qui avaient fait l'objet d'une demande d'exportation vers les Etats-Unis, l'université américaine de Yale souhaitant s'en porter acquéreur.

Classées en janvier 2009 «trésor national», les archives de Guy Debord (1931-1994) comportent toutes les versions de ses écrits et de ses films, sa correspondance, les notes préparatoires à ses œuvres cinématographiques ainsi que des archives photographiques, des objets personnels et sa bibliothèque.

 

 

Communiqué de presse publié sur le site ParisArt le 28 février 2011.

 


 

 

 

Conférence-conversation sur le cinéma de Guy Debord avec Fabien Danesi et Fabrice Flahutez à la galerie VivoEquidem le mercredi 30 mars 2011 à 20 h. Entrée dans la limite des places disponibles. 

"Les naufrageurs n'écrivent leur nom que sur l'eau"  

Entre 1952 et 1978, Guy Debord réalise six œuvres cinématographiques. En 1994, peu avant sa mort, il y ajoute un film de télévision. 
Dans sa critique de la société du spectacle, qui réduit la vie à une représentation, Guy Debord fait pleinement usage de l’image. 
Avec la pratique du détournement, le cinéaste révolutionnaire remet en cause le conditionnement social propre au capitalisme.
Le mercredi 30 mars, à l'occasion de la publication de son livre aux éditions Paris Expérimental, Fabien Danesi évoquera avec Fabrice Flahutez l’importance de cette œuvre cinématographique au regard de la société actuelle et de l’art contemporain. Trois questions à Fabien Danesi

Max Torregrossa : Tu viens de publier ton second livre sur Guy Debord consacré, cette fois, spécifiquement à son activité de cinéaste. Pourquoi s’intéresser aujourd’hui, seize ans après sa disparition, à ce personnage très actif dans une société qui aujourd’hui n’existe plus ou qui n’est plus la même ?

Fabien Danesi : Permets moi de te répondre en te posant à mon tour une question : sommes-nous si sûrs que la société dans laquelle nous vivons aujourd'hui n'est plus la même qu'en 1994 ? 
Certes, il y a eu pêle-mêle l'attentat du World Trade Center, le développement d'internet, les émeutes des banlieues françaises en 2005, la crise financière en 2008, les révolutions en cours en Tunisie et en Egypte, etc. 
Mais en dépit de ces évolutions qui constituent la trame de l'actualité de ces quinze dernières années, il est possible de considérer que les structures politico-économiques des sociétés post-industrielles n'ont pas connu de bouleversements. La question peut alors être reformulée : 
Est-ce une évidence que nous ne vivons plus dans la société du spectacle, telle que Debord l'avait décrite en 1967 dans son ouvrage éponyme, avant d'en proposer une adaptation cinématographique en 1974 ? Pour ma part, j'aurais tendance à penser que la grille de lecture de Debord reste, à bien des égards, opérante. 
À cette différence près que le principe selon lequel "tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans une représentation" (comme l'énonce la première thèse de son maître livre), est à interpréter aujourd'hui comme une conscience nécessaire des médiations qui fondent notre rapport à la réalité. 
Il n'y a peut-être plus de vécu direct à opposer aux représentations : le vécu se construit à travers de multiples médiations qui peuvent être aussi bien des formes contemporaines d'émancipation que des formes crues de l'aliénation. Notre monde ne nous permet sans doute pas les mêmes certitudes que Debord, la même violence lucide. Mais à regarder le constat qu'il a réalisé dans son dernier film pour la télévision, il est étrange de voir comment l'histoire bégaie : l'impudence du libéralisme économique et les catastrophes climatiques, les agressions en milieu scolaire et la corruption du personnel politique, ponctuent encore de nos jours le flux des informations. Et c'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai voulu commencer mon livre par la fin du récit. Et interroger indirectement le lecteur : Debord ne montre-t-il pas un monde étrange de l'ordre du présent éternel qui semble assuré de devoir toujours exister ?
Il se trouve que j'avais arrêté ma réflexion dans mon précédent ouvrage, Le Mythe brisé de l'Internationale situationniste, à la dissolution du groupe révolutionnaire en 1972. 
En conclusion, j'avais traité de la suite du parcours de Debord de manière beaucoup trop succincte. J'ai senti la nécessité de proposer un second opus, en travaillant cette fois sur ses oeuvres cinématographiques. Car aucun ouvrage n'en proposait alors une analyse précise. 
Il s'agissait pour moi d'approfondir l'étude de cet auteur/cinéaste, en dehors de l'aventure de l'I.S., au risque de perdre la distance scientifique que suppose habituellement la démarche universitaire, à force de côtoyer sa pensée. Mais il me semble que la mise en danger était une obligation pour être pertinent sur un plan à la fois sensible et intellectuel. Et je dois reconnaître que l'écriture de ce livre a été éprouvante, en raison de la position intraitable que Debord aura tenue tout au long de son existence, position que j'ai souhaité rappeler.

MT : Quelles particularités avait — ou a encore — le cinéma de Guy Debord ?

FD : L'une des caractéristiques du cinéma de Debord repose sur la technique du détournement, c'est-à-dire le réemploi de matériaux préexistants. Debord n'a tourné que très peu de plans. Il a par contre fait bon usage des images qui n'étaient pas les siennes. 
Il a ainsi montré que l'on pouvait faire du cinéma différemment, en conférant aux représentations une autre signification que celle qu'elles pouvaient revêtir à l'origine. 
Dans cette perspective, Debord a fait appel à des images d'actualité, des extraits de films et de publicités ou encore des bandes annonces. Ces images sont accompagnées d'un commentaire en voix off qui expose les idées du penseur sur la société, l'art et la politique. 
Ce commentaire a l'ambition d'opérer un véritable renversement dialectique.
L'autre aspect singulier de ses œuvres est d'ailleurs leur capacité à lier le poétique et le politique. 
Les films de Debord allient une profonde mélancolie, signe de la conscience de l'écoulement du temps, à une froide observation critique des modes de fonctionnement de la société dite du spectacle. De façon provocatrice, on peut souligner que ce sont des œuvres qui développent leur propre propagande. Sans pour autant présenter la faiblesse didactique des créations militantes. Elles sont en équilibre entre une autonomie esthétique moderne (récusée) et une instrumentalisation de l'art (à vide puisqu'elles ne se mettent pas au service d'un parti révolutionnaire). Elles sont autocritiques puisqu'elles doivent être dépassées. En fait, elles sont gouvernées par la négativité car leur horizon est la transformation radicale des conditions de vie.

MT : Tu es un jeune historien de l’art, membre de plusieurs jurys très « en pointe » dans la création artistique actuelle. Quel lien fais-tu entre le cinéma du type de celui de Guy Debord et l’art contemporain ? 

FD : L'usage d'images existantes est devenu un gimmick de l'art contemporain. 
À ce titre, le détournement n'a plus la même fonction dialectique de renversement. Il s'inscrit plutôt dans la tradition moderne du collage et du ready-made. 
Cette indistinction est peut-être erronée historiquement. Mais elle est effective dans le registre de la contemporanéité. 
Ces vingt dernières années, beaucoup d'artistes ont fait appel à des images déjà filmées, notamment dans le registre de la vidéo. 
Cette expansion était inévitable, en raison du développement sans précédent de la circulation des images. 
Debord aura anticipé cette logique des flux, mais en pensant que la réutilisation des images était une marque de leur dévaluation, au profit par exemple de la bande-son. Aujourd'hui, il est possible de constater que le fétichisme des images n'a pas été altéré. Et l'aura que Debord connaît dans le champ de l'art contemporain relève souvent de la méprise. Quoi qu'il en soit, cette dépossession n'est pas à déplorer. Elle fait partie du jeu de la postérité. Et il faut ajouter que l'influence de Debord s'exerce également sur un mode plus clandestin. Son cinéma est alors un formidable vecteur de sa praxis. 
 

Fabien Danesi est docteur en histoire de l’art et maître de conférences en théorie et pratique de la photographie à l’université de Picardie Jules Verne. Ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, il est l’auteur d’un précédent ouvrage, intitulé Le Mythe brisé de l’Internationale situationniste. L’Aventure d’une avant-garde au coeur de la culture de masse (1945-2008), paru aux Presses du réel.

Fabrice Flahutez est maitre de conférences habilité à diriger des recherches à l'université de Paris Ouest. Il a publié Nouveau Monde et Nouveau Mythe. 
Mutations du surréalisme de l'exil américain à l'Ecart absolu (1941-1965) et Le lettrisme était une avant-garde 1945-1953 aux Presses du réel. Il est également l'auteur de nombreux articles sur le surréalisme et les enjeux historiques après la Seconde Guerre mondiale.
  

Infos :
Galerie VivoEquidem
113, rue du Cherche-Midi, 
75006 Paris - France
Ouverture :Du mardi au vendredi de 11 h 30 à 19 h 30
Samedi de 14 h30 à 19 h 30 et sur rendez-vous  

Contact :
Téléphone : +33 (0) 9 61 26 92 13
Fax : +33 (0) 1 45 48 98 41
Mail : contact@vivoequidem.net 

http://www.vivoequidem.net




Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :